Publicités interdites : Jeep paie ses sorties de route
Fiat Chrysler France (FCA) et 42 concessionnaires ont été condamnés à verser 250 000 euros de dommages-intérêts à France Nature Environnement (FNE) et 11 associations régionales. Les 27 décisions de justice rendus par le tribunal judiciaire d’Amiens sanctionnent une campagne de pub internet mettant en scène des véhicules Jeep circulant au sein d’espaces naturels. Retour sur une affaire qui aide à déceler les publicités illégales.
Une publicité de rêve… pourtant illicite
Entre 2018 et 2019, Fiat Chrysler France (FCA) et ses 42 concessionnaires diffusent sur leur site internet des visuels publicitaires de véhicules en forêt, sur une plage, dans des cours d’eau et en montagne. L’objectif est de promouvoir les véhicules de la marque Jeep.
Pourtant ces images sont doublement illicites : tout d’abord, le Code de l’environnement interdit de circuler hors du domaine routier de l’État. S’il n’y a pas de route, il est tout simplement interdit de circuler avec un véhicule motorisé à des fins de loisirs. L’objectif de cette mesure est de lutter contre le hors-piste destructeur des milieux naturels. En outre, le Code de l’environnement prévoit qu’il est interdit de faire la publicité d’un véhicule en situation d’infraction, afin de ne pas laisser croire aux consommateurs et consommatrices que cette pratique est légale.
C’est donc tout naturellement que le tribunal judiciaire d’Amiens a considéré que la diffusion de ces images constitue une publicité illicite. En publiant sur le site Internet de telles photographies, la société FCA France ainsi que l’ensemble des concessionnaires sont pleinement responsables en qualité d’éditeurs de leur site internet.
Une condamnation exemplaire
Le tribunal a retenu que ces visuels publicitaires portaient une atteinte aux intérêts collectifs défendus par FNE et les autres associations. Pour évaluer les préjudices subis par les associations, le tribunal a retenu le rôle prépondérant de FCA France dans le choix des visuels publicitaires publiés sur le site des concessionnaires.
Ainsi, FCA a été condamnée à verser une somme allant de 2 000 à 6 000 euros à chacune des associations à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice moral subi. Quant aux 42 concessionnaires impliqués dans les différentes instances, ces derniers ont été condamnés au versement d’une somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts aux associations.
Une pratique à faire sortir de l’imaginaire collectif
La publicité et le marketing façonnent puissamment les imaginaires et donc nos comportements. Ces publicités participent à ancrer dans l’imaginaire collectif l’idée que les espaces naturels seraient des espaces de jeux et de loisir et qu’ils sont aptes à supporter la circulation d’engins motorisés. C’est évidemment faux. C’est pourquoi il est essentiel de se conformer au cadre légal de la publicité et de remettre le respect et la protection des espaces naturels au cœur de nos valeurs et de nos comportements. France Nature Environnement veille et agit depuis des années afin de réprimer ces comportements dangereux pour nos espaces naturels. Depuis 2011, FNE et ses associations* ont poursuivis en justice des distributeurs et concessionnaires automobiles et notamment obtenu la condamnation de Toyota en 2016, Mitsubishi en 2017, Mercedes et Hyundai en 2018 pour ce type de publicité. Ces victoires rappellent l’importance des actions des associations pour préserver nos espaces naturels. Plus récemment, FNE a porté plainte contre Redbull pour des visuels similaires, affaire à suivre…
*FNE BFC, Eau et Rivières de Bretagne, Bretagne Vivante, FNE Centre-Val-de-Loire, Nature Environnement 17, FNE IDF, FNE OCMED, Sources et rivières du Limousin, FNE Occitanie Pyrénées, FNE Normandie, FNE Pays de la Loire