C’est l’incruste à la plage !

Venues d’ailleurs, elles prennent leurs aises dans les eaux françaises, menaçant les écosystèmes. Petit point sur ces espèces exotiques marines que vous croiserez probablement cet été.

Arrivées par hasard par bateau, dans les filets de pêches ou importées sciemment pour l’aquaculture ou l’aquariophilie, certaines espèces marines prennent leurs aises hors de leur aire de répartition naturelle. Ainsi, à ce jour, 314 espèces exotiques sont répertoriées sur le littoral de la France métropolitaine, et l’inventaire est loin d’être complet ! Plus ou moins envahissantes, elles sont une cause d’inquiétude pour France Nature Environnement car elles ont des répercussions directes sur les milieux marins, nuisent à leur stabilité, avec des impacts sur la biodiversité et les activités économiques locales (pêche, conchyliculture, tourisme…). Petite galerie de portraits issus du Guide des organismes exotiques marins de Philippe Goulletquer, paru aux éditions Belin.

Le Poisson flûte, Fistulaire ou Cornette à points bleus 

Originaire du bassin indo-pacifique, cet étonnant poisson filiforme, qui peut atteindre deux mètres de long (!), est arrivé en Méditerranée par le canal de Suez. On le rencontre depuis 2007 sur les côtes méditerranéennes françaises.

Le problème : Le Poisson flûte est le prédateur de poissons prisés pour leur chair, alors que lui-même ne présente qu’un intérêt commercial limité. Compte tenu de l’explosion démographique de cette espèce en Méditerranée orientale, une vigilance particulière est recommandée.

Probabilité de le croiser : forte pour les amateurs de plongée.  

Credit photo : Derek Keats

L’Huître creuse japonaise ou Huître du Pacifique

C’est la star des réveillons ! On la retrouve sur l’ensemble des façades métropolitaines françaises jusque dans vos assiettes… et pourtant qu’elle soit de Marennes-Oléron, d’Arcachon ou de Méditerranée, notre huître est à l’origine une espèce exotique ! Originaire du Pacifique Nord-Ouest cette huître a été introduite volontairement en France pour pallier la disparition par maladie de l’huître creuse portugaise au début des années 1970. Cette espèce exotique a fait de la France le leader européen de la production d’huître creuse. Mais elle est systématiquement devenue envahissante et s’étend aujourd’hui jusque dans les fjords norvégiens.

Le problème : Première production conchylicole française, l’huître est le fer de lance d’une importante économie locale dans les régions concernées. Malgré cet impact positif, sa gestion nécessite des programmes très couteux pour réussir à maintenir la biodiversité locale.

Probabilité de la croiser : très forte. Regardez dans vos assiettes.  

L’Eponge chinoise         

Cette éponge massive peut atteindre un volume proche du mètre cube et se régénère rapidement après avoir été écrasée ! A l’origine présente en mer de Chine et du Japon, cette espèce se retrouve aujourd’hui du Golfe du Morbihan jusqu’au bassin d’Arcachon. Si on ne sait pas précisément comment elle s’est retrouvée sur nos côtes, il est fort probable que son arrivée  soit liée à l’introduction des huîtres creuses japonaises.

Le problème : En compétition avec les espèces locales, favorisant l’expansion de certaines espèces, l’éponge entraîne une perturbation complète de l’écosystème local.

Probabilité de la croiser : forte sur la Côte Atlantique.

Le cténophore américain

Présent sur toute la côte de l’Atlantique américain, il a été introduit par des navires ayant vidangé leurs réservoirs d’eau (ou ballasts) dans la Mer Noire. Ce cténophore mesurant une dizaine de centimètres s’est ensuite propagée en mer Méditerranée. On le retrouve sur les côtes méditerranéennes françaises, ainsi que sur le littoral normand où il a pu s’établir. En cause, une fois encore, les vidanges des navires.

Le problème : Le Cténophore américain a entièrement perturbé l’écosystème de la Mer Noire et particulièrement la chaîne alimentaire. Avec des populations aux densités impressionnantes – pouvant aller jusque 500 individus dans un mètre cube d’eau -, et par son importante consommation de planctons et d’alevins, sa présence a provoqué l’effondrement des populations de certains poissons (anchois, sprat, maquereaux), affectant certaines activités locales de pêche.

Probabilité de la croiser : Forte. N’ayez pas peur.

Credit photo: Steven G. Johnson

La Mye des sables  

C’est sûrement la plus ancienne espèce exotique envahissante présente sur nos littoraux. Originaire de l’Atlantique nord-ouest, on a longtemps imaginé qu’elle avait dû rentrer d’Amérique avec les premiers explorateurs français après 1542. Mais la découverte plus récente de spécimens datant de 1245 laisse penser que ce sont les Vikings qui l’aurait importée sur nos côtes ! On la retrouve aujourd’hui sur l’ensemble des plages françaises, jusqu’en en Méditerranée où son observation est apparue plus récemment.

Le problème : Considérée comme une espèce naturalisée, la Mye des sables a toujours un caractère envahissant lorsqu’elle s’installe sur de nouveaux sites, et modifie les structures sédimentaires locales.

Probabilité de la croiser : Très forte. Elle est déjà au fond de votre seau.

Le Crabe sanguin japonais

Originaire du Pacifique Nord-Ouest ce petit crabe (3 à 4 cm)  s’observe depuis 1999 en Mer du Nord, jusque dans le golfe de Saint-Malo.

Le problème : Très envahissant,  capable de coloniser jusque 12 kilomètres de côtes par an, ce crabe perturbe la chaîne alimentaire et entre en compétition avec les espèces de crabes locales.

Probabilité de le croiser : Assez forte. Attention à vos orteils.

Que fait FNE ?         

France Nature Environnement se mobilise pour que nos littoraux conservent leur intégrité et leur richesse qui participent à les rendre si attrayants et demande que la France se saisisse au plus vite de cette problématique. Car il est possible de cesser l’introduction de ces espèces liées aux activités humaines.

Premier maillon de la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, une pratique raisonnée du rejet des eaux de ballast est indispensable. La Convention internationale sur les eaux de ballast du transport maritime, important vecteur d’introduction d’espèces exotiques, est en passe d’être adoptée, puisque 47 pays représentant 34,56 % du tonnage mondial l’ont déjà ratifié, sur un minimum requis de 35 % ! FNE encourage la France dans le cadre de la présidence de la COP21 durant jusqu’au lancement de la COP22 au Maroc à inciter le plus grand nombre d’Etats à ratifier cette convention.

D’autre part, un règlement de l’Union Européenne (1) entré en vigueur le 1^er janvier 2015 offre enfin un cadre juridique pour ces espèces exotiques envahissantes. Le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer œuvre à sa mise en place, ce que France Nature Environnement compte suivre de près. Néanmoins, on peut regretter que la première liste des espèces problématiques pour l’Union européenne publiée le 13 juillet 2016 n’ait retenu aucune espèce exotique envahissante marine…

A vos appareils photos !

Si vous rencontrez une espèce exotique cet été, n’hésitez pas à la prendre en photo accompagné du lieu et de la date d’observation et à nous les envoyer à l’adresse suivante : francois.piccione@fne.asso.fr

Pour en savoir plus et identifier à coup sûr une des 314 espèces exotiques qui peuplent nos mers et littoraux, le Guide des organismes exotiques marins de Philippe Goulletquer, paru aux éditions Belin, est tout à fait recommandé ! 

Save the date !

France Nature Environnement organise le jeudi 20 octobre au Pavillon de l’eau (Paris) une conférence sur le thème « Milieu Marin : Quelle politique, quels enjeux ? ». Cette conférence, ouverte au grand public, a pour objectif de dresser un état des lieux des enjeux de la politique sur le milieu marin pour 2016, et la thématique des espèces exotiques envahissantes sera abordée ! Le programme complet peut être consulté en suivant ce lien.

(1) EU 1143/2014