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Jean-François Julliard : « FNE est un mouvement unique, un levier essentiel pour l’écologie de demain »
Jean-François Julliard est bien connu dans la grande famille de France Nature Environnement (FNE). Après avoir dirigé Greenpeace France, membre de FNE, pendant 14 ans, il prend aujourd’hui la tête de la fédération. Un parcours cohérent : après avoir alerté l’opinion avec des actions médiatisées, il choisit désormais de s’appuyer sur le plus grand réseau associatif environnemental de France pour amplifier l’impact de l’écologie sur le terrain.
Ancien secrétaire général de Reporters sans frontières, puis figure majeure de Greenpeace, il a toujours allié radicalité et pragmatisme. À FNE, il veut mettre cette expérience au service d’un mouvement unique : 6 000 associations locales, 1 million de bénévoles, et une expertise reconnue en droit de l’environnement et en plaidoyer. Pour lui, c’est l’occasion de fédérer encore plus largement, de renforcer la mobilisation citoyenne et de montrer que l’écologie est une force de proposition, pas seulement d’opposition.
1. Vous passez de Greenpeace, une ONG internationale connue pour ses actions coup de poing, à FNE, une fédération qui rassemble des milliers d’associations locales. Pourquoi ce choix, et qu’est-ce qui vous attire dans ce « changement d’échelle » ?
« Passer de Greenpeace, qui est membre de FNE, à France Nature Environnement, c’est un changement dans la continuité. Greenpeace, c’est le lanceur d’alerte, le contre-pouvoir. FNE, c’est une pression constante, ancrée dans les territoires, avec une légitimité que peu de mouvements peuvent revendiquer. Ce qui m’attire ? L’idée de pouvoir agir à la fois sur le terrain et dans les arènes politiques, en m’appuyant sur un réseau de 6 000 associations et un million de bénévoles. C’est une force de frappe démocratique inégalée.
Et puis, il y a quelque chose de profondément optimiste dans FNE qui correspond à mon approche et mon état d’esprit. On propose, on expérimente, on construit. Les associations locales sont des laboratoires d’idées, des incubateurs de solutions. Mon rôle, ce sera de faire remonter cette intelligence collective, de la rendre visible et audible.»
2. Vous avez souvent insisté sur l’importance de la mobilisation citoyenne. Comment comptez-vous renforcer ce volet à FNE, alors que le mouvement est déjà très ancré dans les territoires ?
« La mobilisation citoyenne, c’est l’ADN de FNE. Mais aujourd’hui, il faut tenter de passer à la vitesse supérieure. D’abord, en élargissant notre base : il y a des millions de Français·es qui ne se reconnaissent pas encore dans l’écologie militante, mais qui sont prêts à agir. Il faut leur tendre la main, leur montrer que FNE est aussi leur mouvement. Ensuite, en outillant mieux nos associations : formation aux techniques de plaidoyer, outils numériques pour organiser des campagnes locales, partage d’expériences entre territoires… L’idée, c’est de transformer chaque association en un hub de mobilisation.
Et puis, il y a un défi que je veux relever : redonner du sens à l’engagement. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont l’impression que leurs actions ne changent rien. Or, aujourd’hui, à Greenpeace comme à FNE, on a la preuve du contraire : nos victoires juridiques, nos campagnes locales, nos alliances avec les acteurs économiques et sociaux… Tout cela compte. Mon travail, ce sera de raconter ces succès, de montrer que chaque bénévole, chaque donateur, chaque sympathisant fait partie d’une histoire collective qui avance. »
3. Vous arrivez dans un contexte politique tendu, marqué par des attaques contre les associations environnementales et une défiance croissante envers l’écologie. Comment FNE peut-elle résister, et même progresser dans ce contexte ?
« La meilleure défense, c’est l’offensive. Quand on vous attaque, il ne faut pas se replier, il faut occuper le terrain, se montrer solidaire. D’abord, en étant irréprochables : transparence totale sur nos financements, rigueur dans nos prises de position, exemplarité dans nos actions. Ensuite, en élargissant nos alliances. FNE a toujours su travailler avec les syndicats, les scientifiques, les collectivités locales… Il faut aller plus loin : dialoguer avec les mouvements sociaux, les acteurs de la justice climatique, les entreprises qui veulent vraiment changer de modèle. L’écologie n’est pas un repli sur soi fermé au monde, c’est une science au service d’un projet de société juste et raisonnable, fondé sur le réel et respectueux de nos principes démocratiques.
Et puis, il y a un atout majeur de FNE : son ancrage juridique. Nous sommes le premier réseau de juristes de la nature et de l’environnement en France. Dans un contexte où les reculs démocratiques et les atteintes à l’État de droit se multiplient, ce levier est crucial. Nous allons utiliser le droit pour bloquer les projets nuisibles, mais aussi pour proposer des alternatives et accroître le bien-être de toutes et tous. L’écologie, ce n’est pas seulement dire « stop », c’est aussi dire « et si on faisait comme ça ? ». »
4. Pour finir : quel est votre rêve pour FNE dans cinq ans ?
« Mon rêve, c’est que FNE devienne le mouvement environnemental de référence pour tous les Français·es. Pas seulement pour les militant·es convaincu·es, mais pour celles et ceux qui hésitent encore, qui doutent, qui se demandent si l’écologie est compatible avec leur quotidien. Je rêve d’une fédération France Nature Environnement qui soit d’abord perçue comme une force de proposition, un acteur incontournable des débats publics et, un partenaire crédible pour les pouvoirs locaux et nationaux.
Concrètement, cela veut dire : plus d’associations affiliées, plus de bénévoles, plus de victoires juridiques et politiques, et une visibilité médiatique à la hauteur de notre impact. Mais surtout, je rêve d’un mouvement FNE qui donne envie. Qui redonne de l’espoir. Qui montre que oui, on peut construire un monde plus juste, plus solidaire et plus respectueux du vivant. Et que ce monde vivable, on commence à le bâtir aujourd’hui, territoire par territoire, pas après pas. »
Portrait ©JosephMelin/Greenpeace