Communiqué de presse
Agriculture

Condamnation de la France sur la directive Nitrates : il n’est plus temps d’attendre

Publié le 13 juin 2013

Aujourd’hui, la France a été condamnée par l’Union européenne pour mauvaise application de la directive Nitrates d’origine agricole de 1991 après de nombreuses mises en gardes successives auxquelles la France n’a pas su réagir efficacement. La France risque une amende et des astreintes journalières élevées si elle ne réagit pas dans les prochains mois. Cette condamnation doit être un signal pour enfin changer d’orientation.



Les algues vertes, la partie émergée de l’iceberg



L’élevage, en particulier breton, est dans tous les esprits lorsque l’on parle de nitrates, mais les algues vertes ne sont que la partie visible du problème, comme en témoignait la campagne d’affichage de France Nature Environnement en 2011. Avec 55% du territoire français classé en zone vulnérable aux nitrates d’origine agricole, cette pollution insidieuse, également provoquée par les excès d’engrais azotés sur les cultures, touche de très nombreux cours d’eau et atteint durablement des eaux souterraines. 1,8 million de tonnes d’azote est perdu chaque année, dont 1,2 million de tonnes se retrouve dans les eaux de surface sous forme de nitrates qui parviennent ensuite à la mer et 0,5 million dans l’atmosphère sous forme d’ammoniac. C’est une cause majeure d’eutrophisation qui, avant d’atteindre la mer, perturbe gravement les écosystèmes aquatiques et engendre des problèmes sanitaires (eau potable, eaux de baignades…).



Une autre agriculture est possible… et rentable



Les Programmes d’action nitrates successifs mis en œuvre depuis près de vingt ans, les Plans algues vertes dans les baies bretonnes… Autant de mesures complexes et coûteuses qui n’ont pas suffi à améliorer la situation. Au contraire, les zones touchées se sont étendues. « Les différentes mesures mises en place se sont beaucoup attachées à traiter les effets, mais pas assez l’origine du problème, déplore Gilles Huet, délégué général d’Eaux et Rivières de Bretagne. Cette condamnation doit nous servir de signal pour traiter les causes en profondeur. C’est une opportunité pour sortir du modèle agro-industriel breton et enfin réconcilier la production alimentaire et le bon état de nos eaux ».

Une agriculture plus sobre en intrants, et notamment en engrais azotés, un élevage lié au sol sur des territoires capables de produire l’alimentation du bétail et d’absorber les déjections, des productions plus diversifiées qui donnent toute leur place aux légumineuses… De nombreux exemples productifs et rentables montrent qu’il est possible de produire autrement, sans atteinte à l’environnement. Les récents rapports de Marion Guillou1 et du CESE2 proposent de suivre cette même direction. « La pseudo-compétitivité de l’élevage intensif trouve aujourd’hui ses limites environnementales et économiques en Bretagne. De nombreux acteurs du territoire aspirent à ce changement de modèle » explique Daniel Piquet Pellorce, administrateur de Bretagne vivante.



Une bonne qualité des eaux et des bénéfices pour tous



Outre un gaspillage de matières fertilisantes pour l’agriculture, la dégradation de la qualité de l’eau par les nitrates coûte cher à la société. Sans compter les montants élevés des amendes et les dégradations incalculables des écosystèmes, la bonne qualité des eaux et des sols permet de maintenir des sols productifs, évite des frais colossaux de traitement de l’eau potable, redore l’image touristique des régions touchées par les algues vertes, ne nuit pas au secteur ostréicole très dépendant de la qualité des eaux des estuaires… L’évaluation de la politique de l’eau en cours rouvre une nouvelle fois le débat sur une redevance sur les engrais azotés minéraux.



Pour Bruno Genty, Président de France Nature Environnement, « il est plus rentable pour la société d’investir sur l’avenir en adaptant notre agriculture que de payer des amendes et de tenter vainement de dépolluer. Il faut dépenser maintenant pour économiser. Pour cela, nous avons besoin que le projet agro-écologique du ministre de l’agriculture traite en profondeur la question des pollutions aux nitrates sur tous les territoires concernés et que les autres chantiers gouvernementaux convergent vers ce même objectif ».



1Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l’environnement, mai 2013

2« Gestion et usage de l’eau en agriculture », avril 2013



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