​​Sécurité nucléaire : dernière chance pour préserver un système qui fonctionne​

Véritable référence internationale, le système français de contrôle et d’expertise de la sûreté nucléaire, reposant sur deux piliers (l’Autorité de Sureté Nucléaire ASN, le « gendarme » du nucléaire, et l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, l’IRSN, l’organisme d’expertise), est en danger. France Nature Environnement revient sur les enjeux critiques liés au possible vote cette semaine par les parlementaires de la fusion entre l’ASN et l’IRSN, demandée par le gouvernement.  

Un modèle reconnu pour son excellence 

L’accident de Tchernobyl a engagé de longues réflexions en France aboutissant à une organisation duale de la sécurité nucléaire, constituée de l’Autorité de sûreté nucléaire (l’ASN) et de l’organisme d’expertise, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l’IRSN). Ce processus, mené par le législateur et les gouvernements successifs, s’est matérialisé par la loi sur la Transparence et la Sûreté du Nucléaire de juin 2006 qui distingue le contrôle de l’expertise et permet l’affirmation d’une recherche appliquée en appui des avis et autres décisions. 

Le modèle français a été confronté à des défis de taille, tels que la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires, l’accompagnement du projet Cigéo, les évaluations complémentaires de sûreté ou encore la mise en œuvre du retour d’expérience de Fukushima. Le bilan s’avère très positif : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT), dans son rapport de juillet 2023, n’a pas trouvé la moindre faille au modèle français. 

«  Le projet de démantèlement de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), décidé brutalement, sans la moindre étude et en contradiction avec toutes les évaluations sérieuses de ces 25 dernières années, constitue une dérive technocratique dangereuse. » selon les 3 anciens présidents de l’OPECST. 

Outre les aspects techniques qui se sont améliorés, ce binôme contrôle et expertise a également progressé en reconnaissant les droits des publics. Les dispositifs d’information et de consultation ont ouvert le débat autour de l’énergie nucléaire, permettant au public d’échanger sur des faits précis et de formuler des propositions éclairées pour renforcer la sûreté des installations et diminuer leurs impacts négatifs.  

Une décision qui interroge 

Au printemps 2023, le gouvernement a annoncé sa volonté de mettre fin à cette configuration vertueuse. Les anciens présidents de l’OPESCT, accompagnés par de très nombreuses personnalités non opposées au nucléaire, ont exprimé leurs critiques et réserves face à un projet fragilisant et désorganisant le dispositif de contrôle et d’expertise actuel. 

La Chambre haute l’a parfaitement compris et a opposé au projet de loi qui lui a été présenté des amendements judicieux pour amorcer une transition soutenable du modèle historique (dual) au modèle intégré proposé. L’Assemblée nationale, à une très courte majorité, en a jugé autrement. Non seulement le texte du Sénat a été écarté, mais les amendements d’un grand nombre de député·es n’ont pas été retenus. 

Semaine décisive pour la sûreté nucléaire et la démocratie 

France Nature Environnement invite les parlementaires qui devront s’exprimer sur la version définitive du texte, issue de la commission mixte paritaire du 3 avril 2023, à reconnaître la nécessité de préserver le système dual qui distingue strictement l’expertise du contrôle et garantit l’autonomie d’un établissement public comme l’IRSN qui oriente efficacement la recherche. 

Avec 123 installations nucléaires de base dont 56 réacteurs de grande puissance, garantir le plus haut niveau de sûreté nucléaire et de radioprotection est un enjeu primordial pour la France. De plus, la sécurité est une dimension indispensable à la compréhension par le grand public d’une technologie qui suscite craintes et critiques. Fragiliser les outils de contrôle, l’expertise publique et les dispositifs d’ouverture au public met à mal l’acceptation des projets nucléaires. La relance du nucléaire implique de conserver un dispositif public de surveillance robuste, transparent et ouvert, y compris pour accompagner exploitants et maîtres d’ouvrages qui peinent depuis deux décennies à conduire correctement leurs projets.