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Imbroglio politico-juridique : le loup paie les incohérences de l'État
Un ministre de l’agriculture qui promet des battues au loup, un ministre de l’écologie qui les autorise, des préfets qui cèdent aux pressions locales et qui tiennent tête à Paris, … la France, c’est vraiment le pays de l’excellence environnementale.
Rappel des faits
Le 19 septembre 2013, en visite dans la Drôme dans un salon agricole, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, interpellé sur les dommages causés par le loup aux élevages ovins, a tenu des propos très démagogiques, décrétant l’échec du plan loup sur la seule base que deux loups avaient été tués depuis le printemps. Il a annoncé que dorénavant le tir de prélèvement de loups par des chasseurs serait autorisé lors de battues au gibier et que ces dispositions nouvelles concerneraient tous les départements.
En effet, dans un courrier daté du 10 septembre 2013 et adressé aux préfectures des Alpes-Maritimes, des Alpes-de-Haute-Provence et du Var, le ministre de l’Écologie a rappelé le cadre réglementaire du dispositif de tir de prélèvement du loup, et y a ajouté un point portant sur la possibilité d’autoriser les chasseurs à abattre un loup lors des battues au gibier. Par ce courrier, le ministère limitait ce nouveau dispositif à ces seuls trois départements. Sauf que le courrier a aussi été adressé » pour info » aux préfets des régions Provence-Alpes-Côtes d’Azur et Rhône-Alpes.
Des battues aux loups dans la Drôme
Par la presse quotidienne régionale, nous apprenions le 26 septembre, que sous la pression locale, le préfet de la Drôme, envisageait également de prendre au plus tôt un tel arrêté. FNE a aussitôt alerté le Ministère de l’Écologie, qui a tenté d’être rassurant : les battues aux loups sont circonscrites aux départements du Var, des Alpes-Martimes et des Alpes-de-Haute-Provence. Le cabinet nous a indiqué prendre les dispositions nécessaires pour que ces battues ne soient pas déclenchées dans ce département. Sauf que le 27 septembre, le préfet de la Drôme a signé deux arrêtés autorisant les chasseurs à procéder à un tir de prélèvement du loup en battues, sur 8 communes du département.
Un imbroglio politico-juridique
D’où le constat : ou le ministère est impuissant, et c’est grave, ou il ment, et cela l’est tout autant. On peut en tout cas constater qu’en privilégiant le politique (céder à la pression de ceux qui crient le plus au détriment de l’intérêt général) et qu’en s’asseyant sur le cadre juridique, on perd le nord.
En cédant à la démagogie, le gouvernement a oublié plusieurs points :
- La disposition de tirs en situation de chasse, sans encadrement de l’ONCFS, n’est prévue ni dans le plan loup, ni dans l’arrêté interministériel de mai dernier.
- Elle n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni même d’information du Groupe national loup, ce qui est inédit pour cette instance qui a une quinzaine d’années.
- Un manque de précision dans un courrier qui a été transmis «pour info» aux autres préfectures de l’arc alpin, entraîne un sacré débordement,
- Un préfet peut facilement passer outre les consignes ministérielles…
FNE mobilisée
Les associations nationales et régionales de notre fédération, impliquées dans la défense du loup, ont resserré leur coordination. Elles ont publié deux communiqués de presse. Ferus a intenté des contentieux juridiques. L’Aspas a intenté des référés pour les Alpes-Maritimes. FNE, outre des contacts répétés avec le cabinet du Ministre de l’Écologie, s’est jointe aux référés de l’ASPAS, avec mémoire spécifique et complémentaire.
Comment en est-on arrivé là ?
Cette situation provient des pressions professionnelles issues des 3 départements du sud, dans une situation où le nombre de dommages a effectivement augmenté de façon importante cette saison. Pour autant, seulement 5 arrêtés de prélèvement sur l’ensemble du territoire national avaient été pris début septembre (le double voire le triple les années précédentes).
FNE rappelle d’une part que les conditions de protection ne sont pas partout réunies, loin de là, et d’autre part que ces tirs «politiques» ne résolvent rien à terme, pour ce qui est de la baisse de la pression sur les élevages du secteur.
Notre fédération a depuis des années accepté la possibilité de tirs dans le cadre dérogatoire prévu par la réglementation quand, malgré des moyens de protection effectifs, des attaques récurrentes provoquent des dommages importants. Mais ces tirs politiciens, accordés aux chasseurs en situation de chasse «ordinaire» et sans encadrement de l’ONCFS, sortent totalement du cadre, ouvrent la voie à des interventions banalisées des chasseurs et ne résolvent rien au fond. Nous sommes là, non pas dans des situations de tirs de loups ponctuelles, justifiées et acceptables dans un compromis global ; nous devons agir pour sortir de cet engrenage et obtenir que l’Etat assume enfin ses engagements en matière de protection.
Notre fédération utilisera tous les moyens nécessaires pour que la loi soit appliquée, en toute transparence.