Les grands carnivores essentiels à l'équilibre des écosystèmes

La revue Science a publié le 9 janvier 2014, une étude internationale mettant en évidence le rôle primordial des grands carnivores pour l’équilibre des milieux naturels.

Cette étude internationale (Etats-Unis, Australie, Italie et Suède) montre que la raréfaction voire la disparition des grands carnivores engendre des bouleversements écosystémiques mais aussi économiques.



L’étude se penche sur la situation des 31 plus grands mammifères carnivores, et plus précisément sur le sort de 7 d’entre eux : le lion africain, le lynx européen, le léopard, le loup gris, le puma, la loutre de mer et le dingo en Australie. 19 d’entre eux sont classés comme » menacés » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et 17 occupent aujourd’hui une aire réduite de plus de moitié par rapport à leur territoire ancestral.



Des espèces menacées



Les causes de ce déclin sont multiples : disparition des habitats naturels, abattage (pour la viande, la fourrure ou la médecine traditionnelle), raréfaction des proies, maladies, pollution, changement climatique… À cela s’ajoute la régulation des effectifs de certains prédateurs, voire leur éradication, au motif qu’ils sont responsables de la diminution de ressources comme les poissons, la faune sauvage ou encore le bétail domestique. Ces animaux sont d’autant plus sensibles aux effets de ces actions car, du fait de leur position dominante dans la chaîne trophique, ils sont déjà en effectifs restreints et ont besoin de vastes terrains de chasse.



Les bénéfices écologiques et économiques de leur présence



Les chercheurs ont compilé plus d’une centaine d’articles scientifiques qui mettent en évidence les effets en cascade sur les écosystèmes, en cas de présence ou d’absence de grands carnivores. Il s’avère que ces derniers influencent

directement ou indirectement l’abondance et la diversité des autres mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et invertébrés. Ils jouent également un rôle dans la propagation des maladies, la séquestration du carbone, les cours d’eau et les récoltes.



Ainsi, l’extermination des lions et des léopards a entraîné, dans certaines contrées de l’Afrique subsaharienne, une augmentation des babouins qui viennent ravager les cultures et transmettent leurs parasites intestinaux. Parfois même, les familles retirent les enfants des écoles pour qu’ils surveillent les champs.



Dans la partie orientale des Etats-Unis et du Canada, la disparition de pumas a été suivie d’une surabondance de cervidés, comme le cerf de Virginie, qui ont mis à mal le couvert forestier et donc le puits de carbone végétal. Dans l’ouest américain, en Utah, leur raréfaction a profité aux cerfs à queue noire, qui ont ruiné les peuplements de peupliers bordant les rivières. L’abondance de cerfs a provoqué l’érosion des berges et dégradé la qualité des

eaux.



Toutefois, ces processus ne sont pas irréversibles. La réintroduction du loup, au milieu des années 1990, dans le parc national de Yellowstone, a permis de réguler les populations de grands herbivores et, du même coup, de restaurer la couverture forestière. Il en est allé de même avec la réinstallation du lynx boréal en Finlande.



Plaidoyer pour les grands carnivores



Au regard des bénéfices écologiques et économiques, les chercheurs plaident pour une réhabilitation des

grands carnivores dont les populations sont gérées sur la base d’une vision humaine dépassée. L’avenir de ces espèces passe par une meilleure tolérance à leur égard et une reconnaissance des services rendus. En effet, les tentatives humaines de copier ses services se sont avérées peu efficaces notamment en matière de séquestration de carbone, de protection de la biodiversité ou du contrôle des maladies.



Les chercheurs estiment que la mise en place d’une initiative internationale pour coordonner les recherches et les politiques de conservation serait utile. La Large Carnivore Initiative for Europe, le groupement scientifique affilié à l’UICN qui vise à réintégrer le loup, l’ours et le lynx, le glouton et le chacal doré dans les paysages européens, pourrait servir de modèle.



Cette étude montre que le chemin de la cohabitation est encore long ; les blocages reposant principalement sur des idées préconçues et un manque de reconnaissance du rôle des grands carnivores.