Influencer la loi pour défendre la nature

Le nombre de projets et propositions de lois impactant l’environnement se multiplient (il y en a eu 16 entre 2012 et 2017). Même si les lois ne sont pas toujours correctement appliquées, influencer leur contenu reste une manière pour les associations de protection de la nature et de l’environnement de faire acter leurs propositions. Nous vous proposons de faire le point sur nos actions dans ce domaine, avec l’exemple du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables.

Mais au fait, qu’est-ce que le plaidoyer législatif ?

Comme beaucoup d’acteurs (lobbys agricoles, industriels, chasseurs…), France Nature Environnement fait du plaidoyer. Cela consiste à analyser les textes de lois en cours d’examen au Parlement et proposer aux parlementaires et au Gouvernement des modifications, afin de les rendre plus protecteurs pour la nature et l’environnement.

Nous parlons de « plaidoyer » et non de « lobbying » car, contrairement aux lobbyistes, nous défendons l’intérêt général et non des intérêts particuliers.

Ce plaidoyer permet aussi de lutter contre des textes régressifs, d’alerter en cas d’incohérences… Il permet de faire progresser le droit et donne une base pour d’éventuels contentieux en cas de non-application des textes nationaux ou européens. C’est une des spécificités de France Nature Environnement : peu d’autres APNE s’investissent autant dans ce domaine.

Un plaidoyer par et pour nos fédérations de terrain

Le plaidoyer législatif nécessite une bonne coordination avec nos fédérations territoriales. C’est une nécessité pour être efficace. Un bon relais des amendements dans les territoires et/ou des remontées de contacts intéressants sont indéniablement des leviers efficaces pour faire progresser nos sujets.

Le relais local présente aussi des avantages pour une fédération régionale ou départementale, puisque les lois s’appliqueront à terme dans le territoire, parfois très directement. De plus, les député·es sont généralement très attaché·es à leur circonscription et interviennent souvent pour faire avancer des projets locaux. Ils peuvent être les intermédiaires des associations territorialisées auprès des ministres.

Au contraire, s’ils ne sont pas sensibilisés, ils peuvent intercéder à l’opposé des demandes associatives locales.

En 2022, un exemple de projet de loi avec le projet de loi Energie

En 2022 s’est ouvert une séquence essentielle pour l’avenir énergétique de notre pays. En effet, une nouvelle Stratégie Française pour l’Energie et le Climat, qui posera le cadre sur le plan énergétique pour les 5 années à venir, doit être adoptée. En parallèle, dans un contexte de tensions des approvisionnements en énergie, un certain nombre de textes de lois et réglementaires ont été adoptés ou sont en cours de discussion, qu’il s’agisse du nucléaire ou des énergies renouvelables.

Nucléaire : beaucoup d’ignorance et de questions non résolues

Concernant le nucléaire, en 2022, France Nature Environnement a fait réaliser un grand sondage sur le niveau de connaissance des Français.es sur leur parc nucléaire. Les résultats sont édifiants : seuls 4% des Français.es ont répondus juste à au moins 5 des dix questions, pour la plupart basiques sur le nucléaire civile en France (nombre de réacteurs en activité, part du nucléaire dans la consommation d’énergie…). Les Français.es sous-estiment l’ampleur des installations nucléaires en France, ainsi que ses difficultés et surestiment largement l’importance du nucléaire dans le mix énergétique français.

Cette profonde méconnaissance des citoyens et citoyennes dans ce domaine questionne alors que le développement de nouveaux réacteurs à grande échelle est avancé par un certain nombre de décideurs comme une évidence.

C’est pour cela que France Nature Environnement s’est fortement investie dans le débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) autour de la construction de nouveaux réacteurs en France, qui a notamment donné lieu à la publication d’un très intéressant rapport de controverse techniques qui montre l’ampleur des questions encore en suspens aujourd’hui. France Nature Environnement déplore le peu d’écho reçu par ce document.

Energies renouvelables : planifier, accélérer, protéger la biodiversité

En 2022, notre réseau Energie s’est investi pendant plusieurs mois auprès des cabinets ministériels et des parlementaires, dans le cadre des travaux parlementaires sur la loi d’accélération des énergies renouvelables, pour porter nos demandes prioritaires :

• La création d’un observatoire pour les EnR terrestres et la biodiversité, afin de mieux piloter chaque filière EnR grâce à une meilleure connaissance des impacts ;
• La planification des projets d’EnR, démarche incontournable pour mieux anticiper dans l’espace et dans le temps la répartition des projets et associer l’ensemble des acteurs de la transition énergétique ;
• Une plus forte orientation des projets solaires vers les surfaces bâties et artificialisées.

Ces demandes portées depuis longtemps par notre mouvement ont été largement reprises par les parlementaires et ont pu aboutir pour tout ou partie. Nous serons désormais vigilant·es lors de la définition des textes d’application et de leur mise en œuvre.

Ce travail se prolonge en 2023, cependant, comme l’explique Michel Dubromel, pilote du réseau Energie de France Nature Environnement : “La société civile a énormément de difficulté à faire entendre sa voix et à voir son avis intégré dans les décisions. La CNDP elle-même a déploré l’absence de suivi et de prise en compte de ses travaux par le gouvernement. Par ailleurs, le gouvernement agit de manière discutable en faisant adopter des lois et en engageant des mesures structurantes pour l’avenir énergétique de la France avant même l’adoption de la nouvelle loi Energie Climat, prévue pour fin 2023, qui doit être la feuille de route dans ce domaine. C’est la politique du fait accompli qui est mise en œuvre. C’est très dommageable, tant le secteur de l’énergie est une clé de la réussite ou non de notre transition écologique. Faute de débat ouvert et clair, on prend le risque de s’engager dans des impasses et de gâcher un temps et des ressources financières colossales et très précieuses.”