Régression des zones humides : FNE saisit le Conseil d’État
Le 2 février aura lieu la journée mondiale des zones humides. La France a déjà perdue plus des deux-tiers de ces milieux très importants pour la biodiversité et la gestion de l’eau. Les zones humides doivent être mieux protégés, pourtant, elles ne cessent d’être malmenées, encore très récemment dans le cadre d’une proposition de loi agricole adoptée lundi dernier au Sénat.
Cette attaque est loin d’être la première : le 3 juillet 2024, un arrêté facilitait leur transformation en plan d’eau, et donc leur destruction. Pour défendre ces zones essentielles à la biodiversité et à l’adaptation au changement climatique, France Nature Environnement et ses associations membres* saisissent le Conseil d’État pour demander son annulation.
Un arrêté qui facilite la destruction des zones humides
L’arrêté du 3 juillet 2024 revient sur le champ d’application de l’arrêté du 9 juin 2021 encadrant la création de plans d’eau. Ce dernier soumettait notamment l’implantation d’un plan d’eau en zone humide à certaines conditions : restauration de la zone, intérêt général majeur, bénéfices pour la santé humaine, la sécurité des personnes ou le développement durable. Or, depuis la réforme, cette conditionnalité disparait : seuls les projets de plans d’eau implantés en destruction d’une surface de zone humide supérieure à un hectare sont encore soumis à au respect de ces conditions.
Cela signifie que toute zone humide inférieure à un hectare devient légalement beaucoup plus simple à détruire. L’implantation d’un plan d’eau en zone humide, pour réaliser du stockage agricole de l’eau, par exemple, est facilitée. Et ce en méconnaissance du principe de non-régression du niveau de protection de l’environnement, inscrit dans la loi française (article L. 110-1 du code de l’environnement).
Un cadeau aux syndicats de l’agriculture industrielles, à l’opposé de la défense de l’intérêt général
Créer un plan d’eau à la place d’une zone humide revient à détruire cette dernière ainsi que ses fonctionnalités. Pourquoi permettre de remplacer les zones humides par des plans d’eau, et porter ainsi atteinte aux politiques publiques de l’eau et des espaces naturels, de l’argent investi dans la protection et la gestion des zones humides, et des nombreux avis défavorables exprimés lors de la consultation du public ? Une situation que ne peuvent accepter nos associations, qui ont donc saisi le Conseil d’État afin de faire reconnaitre l’illégalité de cet arrêté.
Pour Antoine Gatet, président de France Nature Environnement : “À l’inverse des zones humides dont les fonctionnalités bénéficient à tous et toutes, les plans d’eau privatisent la ressource au profit d’un seul usage et créent un sentiment erroné d’abondance et de sécurité. L’arrêté du 3 juillet 2024 est le fruit du lobbying des syndicats agricoles productivistes, dont la FNSEA/JA qui se félicite d’avoir obtenu ce texte. Les agriculteurs sont pourtant les premiers à avoir besoin de sols en bonne santé et d’une gestion de l’eau permettant de prévenir l’impact du réchauffement climatique. Ce qu’offrent les zones humides, et ce que n’offrent pas les plans d’eau.”
Noémie Morel, juriste et chargée de mission Eau à FNE Pays de la Loire : “L’intérêt général lié aux fonctionnalités écologiques des zones humides est sacrifié au profit d’un système agricole industriel à bout de souffle… Alors que plus de 3000 personnes se sont exprimés en défaveur du texte, que la communauté scientifique nous alerte des effets du dérèglement climatique qui sont déjà visibles, ce n’est pas le moment de régresser.”
Des zones humides essentielles pour faire face au changement climatique
Les zones humides sont des alliés indispensables face aux dérèglements climatiques. En plus d’être des réservoirs de biodiversité, elles jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau. Elles filtrent l’eau, en améliorant ainsi sa qualité, et la stockent naturellement, permettant de lutter contre les sécheresses et les inondations. C’est pour cette raison que de nombreuses politiques publiques visent à les protéger et que de l’argent public, via les Agences de l’eau, est investi pour les restaurer. C’est également pour cela qu’elles sont célébrées tout le mois de février pour la Journée Mondiale des Zones humides.
*Le recours au fond est porté par France Nature Environnement, Eau et Rivières de Bretagne, ANPER-TOS et Sources et Rivières du Limousin ; à l’heure actuelle, l’intervention volontaire est portée par FNE Pays de la Loire et Nature Environnement 17, FNE Nouvelle-Aquitaine et FNE Occitanie Pyrénées.