Loup : 4 idées reçues sur un animal victime de sa légende

Les attaques de loups sur des humains sont rarissimes. Au cours des 60 dernières années, on dénombre 4 personnes tuées en Europe, 4 en Russie et aucune en Amérique du Nord.

Au fil des siècles, l’imaginaire occidental s’est forgée l’image d’un loup menaçant et agressif, qui en plus de s’attaquer au cheptel domestique, tuerait des humains en ciblant les enfants et les femmes.

Si le loup a effectivement attaqué, et en de rares occasions tué, des humains, dans la majorité des cas, ce comportement était dû à un animal enragé. La France est indemne de rage depuis 2001.

Le loup ne considère pas les humains comme des proies. Ce comportement est aujourd’hui rarissime y compris dans les pays où les populations de loups sont bien plus nombreuses.

Non. Le comportement du loup n’a pas changé : il n’est ni plus agressif, ni plus audacieux au fil des années.

Il existe une idée reçue émergente selon laquelle des « loups audacieux » auraient développé un nouveau comportement par habituation à l’homme : ils seraient plus curieux et entreprenants, donc moins craintifs à son égard et plus dangereux. Cette idée reçue portée par des opposants au loup est très relayée par les médias, mais sans vérification auprès de scientifiques ou de spécialistes.

Le loup se caractérise par d’importantes capacités d’adaptation à son environnement qui lui ont permis de s’adapter à des milieux très divers, y compris ceux marqués par la présence humaine. Vu que le loup étend de plus en plus ses territoires vers les plaines plus habitées, que des observations de loups dans les villages sont plus fréquentes, on pourrait penser que cette proximité avec les humains entrainerait de nouveaux comportements considérés comme audacieux.

Pour en avoir le cœur net, l’Office français de la biodiversité a analysé les 3 881 fiches d’observations visuelles du Réseau Loup-Lynx compilées depuis près de 30 ans. Ces fiches contiennent des informations relatives au contexte de l’observation, à l’attitude face à l’homme des loups observés, et à l’attitude et réactions de l’observateur ; des données qui n’avaient jamais été exploitées jusque-là.

Cette étude conclut que le loup ne présente pas de comportement d’habituation en France, il n’est ni plus agressif, ni plus audacieux au fil des années. De manière générale, les loups continuent d’éviter les humains. Ainsi, dans près des 80 % des rencontres avec l’homme, le loup a fui. Sur les 3 881 observations visuelles, seules 10 rencontres font état de réactions perçues par l’observateur comme agressives. Des réactions liées en grande majorité à un mécanisme de défense en réponse à une provocation de l’observateur, soit à un effet de surprise (le loup a repéré tardivement ou soudainement l’observateur). Ces réactions perçues comme agressives sont rapportées dans 50 % des cas lors d’activités d’élevage. Ceci ne serait pas lié à un comportement agressif du loup, mais d’une interprétation par l’éleveur en raison du stress subi.

Aucune observation de loups perçus comme agressifs n’a entrainé un accident ou de blessure, voire de tentative de morsure.

Lire l’étude de l’OFB

Oui, cela arrive. Le loup tue parfois plus que ce dont il a besoin

En raison du coût énergétique que représente une action de chasse, le loup ne tue ni pour le plaisir, ni par cruauté. Il tue pour se nourrir. Mais parfois, dans certaines conditions, il arrive qu’il tue plus que ce dont il a besoin. On parle de surplus killing ou over-killing.

Généralement, le loup choisit sa proie en fonction de sa vulnérabilité : un individu très jeune, vieux ou affaibli. Dans le cas d’une attaque d’un troupeau domestique, les proies nombreuses et confinées dans un enclos présentent toutes les caractéristiques de la proie idéale. Le loup n’arrive plus à sélectionner la bonne cible. Et la panique des bêtes peut également stimuler l’instinct de chasse du prédateur. Il arrive donc que parfois, il tue plus que de besoin.

Peut-être. Cela pourrait déstabiliser la hiérarchie des meutes et influer sur la quantité d’attaques.

Bien que strictement protégé par la loi, le préfet peut autoriser le tir d’un loup si, malgré les moyens de protection (présence d’un berger, de chiens de protection, clôtures électriques et regroupement nocturne), le loup continuait d’attaquer un troupeau et de causer des pertes importantes et récurrentes.  Chaque année, un plafond de 20 % de la population de loups estimée peut être tué, soit 174 loups en 2022.

A première vue, il parait logique qu’en tuant des loups, le nombre de dommages baisse. Mais il est possible que ces tirs déstabilisent la hiérarchie au sein des meutes et favorise le report de la prédation sur les troupeaux, plus faciles à attaquer lorsque les loups sont moins nombreux.

Cette question de l’efficacité des tirs pour faire baisser la prédation n’a été étudiée que dans le contexte nord-américain. Les conclusions de ces études ne sont donc pas directement transposables au contexte français.

Pour être robuste scientifiquement, une telle étude doit prendre en compte de très nombreuses variables (taille des meutes, taille des troupeaux, pratiques pastorales, moyens de protection, météo, topographie, densité des proies sauvages, …) qui sont, de plus, en forte interaction entre-elles.

Une seule étude a été conduite en France pour l’instant et ses conclusions tendent à montrer que les effets des tirs en France ont été très variables selon le contexte. Dans la majorité des cas, il n’y avait pas de changement. Pour le reste, on constate dans un premier temps une baisse des prédations, puis une augmentation. Les petits troupeaux ou ceux qui pâturent peu de temps paraissent plus sensibles aux prédations.

Au regard du fort taux de prélèvement que subit la population du loup, il conviendrait de poursuivre ce type d’études.

Plus de détails dans l’étude «Le phénomène de déprédation chez le loup gris (Canis lupus) et ses interactions avec le contrôle létal : le cas de l’arc alpin français» par Oksana Grente

Télécharger l’étude