Qu’en est-il du projet de parc national des zones humides ?

Évoquée dès le Grenelle de l’environnement en 2007, la création d’un parc national pour protéger les zones humides est l’une des mesures phares de la Stratégie nationale Biodiversité 2030. Or, ce projet rencontre de nombreuses difficultés et des blocages. État des lieux de France Nature Environnement.

Un projet dans les cartons depuis 2007…

En 2007, le Grenelle de l’environnement a pris 238 engagements parmi lesquels la création d’un parc national en faveur des zones humides. Il semblait en effet évident de renforcer la préservation ces milieux dont la moitié a disparu en France entre les années 1960 et 1990, en mobilisation l’outil phare du parc national sur un secteur emblématique.

Cette volonté, inscrite dans la loi Grenelle 2 de 2010, s’est manifestée par une sélection de 3 sites potentiels par le Muséum national d’Histoire naturelle, sur lesquelles une concertation avec des acteurs locaux s’est engagée, sans toutefois aboutir.

En 2011, le Ministère en charge de l’Écologie tente une autre approche en lançant un appel à volontaires, via un appel à manifestation d’intérêt. Deux territoires font acte de candidatures mais une fois encore, la démarche n’aboutit pas.

… Qui ressurgit à la faveur de stratégies nationales

Il faut attendre 2021 pour que le projet refasse surface. En effet, la stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) 2030 prévoit notamment de doubler « la superficie des milieux humides sous protection forte en métropole, en n’excluant pas la possibilité de créer un parc national de zones humides ». Son 1^er plan d’action (2021-2023) vise notamment à « étudier la faisabilité d’un parc national à enjeux de zones humides », d’ici 2022. 

Ces objectifs de la SNAP sont repris par le plan national milieux humides 2022-2026 puis par la stratégie nationale biodiversité 2030, publiée en novembre 2023. Sa mesure 1 vise ainsi à « créer un nouveau parc national pour la protection des milieux humides d’ici 2030 ».

2022-2023 : Une mission en deux temps pour identifier un site potentiel

L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) est donc chargée d’une mission visant à actualiser l’état des lieux des sites potentiels, proposer une méthode pour choisir le site le plus approprié et établir des préconisations pour le futur parc. Dans son rapport de mars 2022, l’Inspection identifie 18 sites « emblématiques » pour lesquels elle propose de mener un « dialogue territorial approfondi » de façon à :

• identifier l’un d’eux, en vue de lancer les démarches de création d’un parc national ;

• « établir pour chaque site une feuille de route opérationnelle pour mieux protéger et valoriser les zones humides ».

Missionnée pour poursuivre son travail, l’IGEDD a conduit le dialogue territorial approfondi évoqué, qui s’est soldé par la publication le 30 novembre 2023 :

1/ D’un rapport « général » (daté d’avril 2023) qui, notamment :

• conclut qu’aucun des 18 sites ne ressort pour devenir un parc national ;

• identifie toutefois « trois sites d’exception » (marais de Kaw-Roura, Camargue, estuaire et cours de la Loire aval). Concernant ces 3 sites, la mission estime que :

  • Une concertation avec les collectivités locales est nécessaire pour porter « conjointement un projet ambitieux » ;

  • Le marais de Kaw-Roura fait figure de meilleur candidat. Elle propose de fait un plan d’action global incluant la transformation du parc naturel régional de Guyane ;

    • « les conditions ne sont pas réunies à ce jour » pour les 2 autres sites ;

  • liste des propositions d’actions locales pour chacun des 18 sites ;

  • fait des recommandations de mesures plus générales en faveur des zones humides

2/ d’un rapport de visite pour chacun des 18 sites (n°1, n°2, n°3, n°4, n°5, n°6, n°7, n°8, n°9, n°10, n°12, n°13, n°14, n°15, n°16, n°17, n°18).

À noter que le cadre des rencontres avec les acteurs concernés, la mission a le plus souvent été « accueillie » par des manifestations d’opposants à la création d’un parc national.

2024 : un projet sans perspectives ?

Depuis les travaux de la mission de l’IGEDD qui fixaient des lignes directrices pour poursuivre les réflexions en vue de créer un parc national en faveur des zones humides et pour renforcer la protection de ces milieux et les actions de préservation des 18 sites identifiés, les gouvernements successifs n’ont montré aucune volonté politique de faire aboutir ce projet.

Au contraire, ils n’engagent pas d’actions pour protéger les zones humides à la hauteur des enjeux. Pire, ils affaiblissent leur protection.

Malgré ses perspectives peu constructives, France Nature Environnement poursuit ses actions pour préserver la richesse écologique de ces milieux et les services qu’ils rendent à nos sociétés notamment face au dérèglement climatique ou aux catastrophes naturelles, et en faveur du stockage de l’eau et de sa qualité.