EnergieComment se décide la politique énergétique de la France ?
Atteindre la neutralité carbone en 2050 : plus facile à dire qu’à faire ! Si l’objectif est clair, les moyens pour y parvenir font l’objet de nombreux débats. Il peut être difficile de s’y retrouver et de comprendre ce qui se joue réellement. Plusieurs concertations et débats ont déjà eu lieu en 2023 (concertation sur le mix énergétique, débat public sur la relance du nucléaire) sans pour autant qu’une ligne claire ait été définie dans la loi comme prévue par le code de l’énergie. D’autres débats sont annoncés en 2024 , avant la publication de deux outils majeurs du pilotage de la politique énergétique : la PPE et la SNBC.
Comment se décide la politique énergétique de la France ? Quelles en sont les orientations principales ? De quels leviers dispose-t-on pour sa mise en œuvre ? Et comment peut-on, en tant que citoyenne ou citoyen, participer à ces décisions qui engagent l’ensemble de la société sur le long terme ? On fait le point.
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Les objectifs de la France en matière d’énergie
2015 : la Loi pour la transition énergétique et la croissance verte
La notion de sobriété énergétique a été introduite pour la première fois dans la Loi pour la transition énergétique et la croissance verte de 2015, avec un objectif de réduction de nos consommations de 50% d’ici 2050 par rapport à 2012 et la rénovation de l’ensemble des bâtiments au niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation).
2019 : la loi Energie Climat
En 2019, la loi Energie Climat a fixé un objectif de long terme sur la base des Accords de Paris : atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui implique une division par 6 des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France par rapport à 1990 ou le passage d’une empreinte carbone (émissions de GES induites par la demande finale) de 10 à 2 tonnes par habitant·e.
Pour ce faire, des objectifs de moyen terme ont également été actés, par exemple :
- D’ici 2030 : -40% de consommation d’énergies fossiles ; 40% de renouvelables dans la production d’électricité et 33% dans le mix énergétique global (électricité, gaz, carburants…) ; rénovation de l’ensemble des passoires thermiques (les logements qui ont un Diagnostic de performance énergétique F ou G) ;
- D’ici 2040 : fin des moteurs thermiques pour les voitures.
Cette loi de 2019 a aussi remplacé le débat public l’égide de la CNDP (Commission nationale du débat public) par une concertation avec des garant·es désigné·es par la CNDP, format moins contraignant pour le gouvernement.
2024 : la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC)
Prévue par la loi de 2019, une loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) devait être votée avant le 1er juillet 2023.
Le Code de l’Energie prévoit que les orientations de cette loi seront ensuite traduites dans plusieurs documents de pilotage de la politique climatique et énergétique (PPE, SNBC, PNACC). Le tout constitue la Stratégie française pour l’Energie et le climat (SFEC), document que la France a l’obligation de transmettre au niveau européen.
Les étapes de construction de la SFEC
Pour élaborer la LPEC, la PPE et la SNBC pour la période allant jusqu’à 2035, le gouvernement a déjà procédé à plusieurs consultations et concertations en 2022-2023. Et jusqu’à présent aucun de ces textes n’a été adopté, aggravant le retard de la France dans la lutte contre le changement climatique. Si bien que même le Haut conseil pour le climat s’en inquiète dans une lettre adressée au gouvernement le 2 avril 2024, lui rappelant que « Ces documents sont essentiels afin de guider l’action climatique à long terme. (…) L’adoption des lois, la publication des décrets, l’élaboration des documents de planification sont urgentes afin de donner à chaque acteur la visibilité nécessaire pour agir en cohérence dans la durée. »
Les choix sont encore ouverts ! Pour nourrir la réflexion et éclairer les choix possibles, plusieurs organismes ont présenté en 2021 des scénarios de prospective pour atteindre la neutralité carbone (RTE, négaWatt, Ademe). Tous ces scénarios ont en commun un développement massif des énergies renouvelables. Ils démontrent aussi qu’un mix énergétique 100% renouvelable est possible techniquement et que les scénarios avec beaucoup de sobriété facilitent l’atteinte des objectifs climatiques.
Concertation nationale sur le mix énergétique (oct.-déc. 2022)
La définition du mix énergétique a fait l’objet d’une concertation nationale entre octobre et décembre 2022, dans chaque région et au niveau national. Cette concertation, encadrée par 4 garant·es issu·es de la CNDP, devait préparer la 1re loi de programmation sur l’énergie et le climat, ainsi que la SFEC. Elle aurait dû en toute logique précéder le débat public sur la relance d’un nouveau programme nucléaire (voir ci-après) afin que l’ensemble des choix possibles reste ouvert mais le Gouvernement en a décidé autrement. De plus, le Gouvernement ne s’engageait pas à prendre en compte l’issue de cette concertation mais seulement à la verser au débat parlementaire.
Débat public sur l’opportunité de relancer le nucléaire (oct. 2022 - fév. 2023)
Un débat public sur le nouveau programme de construction de 6 EPR, dont 2 EPR supplémentaires à Penly (Normandie), s’est tenu d’octobre 2022 à février 2023. Il devait permettre à la société civile de s’exprimer sur l’opportunité ou non de relancer un vaste programme nucléaire.
Depuis son lancement par le plan Messmer (1974), c’est la toute première fois que le public pouvait s’exprimer sur l’opportunité du nucléaire dans le mix énergétique. Rappelons que le choix du nucléaire dans le mix énergétique est uniquement politique, les scénarios de prospective démontrant bien la faisabilité technique et économique de scénarios sans nucléaire, ainsi que leurs bénéfices environnementaux.
Aller plus loin : les textes et outils qui structurent la politique énergétique de la France
La loi pour la Transition énergétique et la croissance verte de 2015 a posé un cadre de pilotage de la politique énergétique et climatique en mettant en place trois outils :
- la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ;
- la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;
- le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).
Ces trois outils constituent désormais, avec la Loi de programmation Energie Climat (LPEC), la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) et sont actualisés tous les 5 ans. La loi prévoit aussi la régionalisation des objectifs énergétiques nationaux, avec la création de comités régionaux de l’énergie, instances des parties prenantes chargées notamment de favoriser la concertation et de suivre les enjeux de production et de consommation énergétique au niveau régional.
