Pollution : décryptage de la directive Qualité de l'Air Ambiant

Publié le 15 octobre 2024

La pollution de l’air est une épidémie invisible responsable d’impacts sanitaires, économiques et environnementaux considérables et évitables.

Si elle tue chaque année plus de 40 000 personnes en France, soit plus de 100 personnes par jour, elle coûte également très cher économiquement puisque l’addition y est de 100 Milliards d’euros par an, soit 1500€/an/habitant.

Afin de lutter contre ce fléau, l’Union Européenne s’est dotée de deux règlementations majeures :

La directive NEC établit des plafonds d’émissions par secteur
La directive «Qualité de l’Air Ambiant (AAQD)», fixe des valeurs limites de concentration des polluants dans l’air. Promulguée en 2008, elle a fait l’objet d’une révision en 2024.
👇 Retour sur la directive air et sa révision par France Nature Environnement (FNE).

La révision nécessaire de la directive air

Pour répondre à l’évolution des connaissances scientifiques, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié en 2021 de nouvelles recommandations. Elle y donne les valeurs limites de concentration de polluants, au-delà desquelles la nocivité devient trop importante pour la santé des populations.

Pour les particules fines de diamètre inférieur à 2,5 μm (PM2,5), qui sont à l’origine de la plus grande charge sanitaire dans l’UE, l’OMS préconise désormais une concentration maximale annuelle de 5 μg/m³, soit cinq fois au-dessous de la valeur donnée par la directive de 2008.
Pour le dioxyde d’azote (NO2), une nouvelle concentration annuelle de 10 μg/m³ est désormais recommandée, soit 4 fois au-dessous de la valeur limite de 2008.

L’UE s’est alors donnée comme objectif de réduire le fossé entre les valeurs préconisées par la science et celles de la réglementation, qui échoue aujourd’hui à empêcher les décès prématurés. Dans son évaluation préalable à la révision, la Commission Européenne souligne par ailleurs que le coût de l’inaction est beaucoup plus lourd pour les finances publiques que le coût de l’action.

La Commission européenne a donc proposé de réviser la directive Qualité de l’air Ambiant, qui datait de 2008 dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe ou Green Deal.

La directive air révisée : Que dit le texte ?

La nouvelle Directive européenne sur la qualité de l’air a été adoptée le lundi 14 octobre 2024 à la suite d’un long processus de négociation.

Cette nouvelle directive représente un tournant significatif : bien qu’elle ne soit pas encore entièrement alignée sur les recommandations de l’OMS, elle introduit des normes beaucoup plus ambitieuses pour protéger la santé humaine, en particulier des populations vulnérables, et celle de notre planète.

Pour lutter contre le pollution chronique, la plus néfaste pour la santé, la directive règlemente les concentrations de polluants dans l’air à l’horizon 2030.

Le texte réduit de moitié les valeurs limites de concentration des principaux polluants dans l’air, tels que les particules fines et le dioxyde d’azote. Il instaure également des valeurs limites annuelles pour d’autres polluants, tels que le dioxyde de souffre, l’Arsenic, le Cadmium (Cd), le Nickel (Ni) et le Benzo(a)Pyrène.

La directive règlemente la surveillance de la qualité de l’air dans le but de recueillir des données harmonisées sur le long terme pour chaque Zone Administrative de Surveillance (ZAS) des pays de l’UE. La modélisation complète les données des stations fixes de mesure pour connaitre le niveau de pollution et le dépassement ou non des valeurs limites. La directive impose la surveillance de polluants inquiétants, comme les particules ultrafines, l’ozone ou le carbone suie, dans le but d’aboutir à leur réglementation ultérieure.

Le texte impose par ailleurs un travail de réflexion stratégique de la part des autorités nationales. Chaque État membre a obligation d’établir une feuille de route sur la qualité de l’air (FDA) d’ici fin 2028 si, entre 2026 et 2029, le niveau des polluants dépasse ou risque de dépasser les valeurs à atteindre d’ici 2030 (Article 19).

Des plans d’action qualité de l’air (PQA) et des plans d’action à court terme (Article 20) sont également requis. Pas question donc d’attendre 2030 pour commencer à prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air.

Enfin, et c’est crucial, la directive sera revue régulièrement pour prendre en compte les évolutions scientifiques. La première révision devra intervenir avant la fin de l’année 2030 puis celle-ci sera révisée tous les 5 ans.

Ce texte est bien sûr un compromis qui comporte des bémols, comme les possibilités de dérogations qui permettront à certaines régions européennes de reporter l’échéance de 2030 jusqu’à 10 ans dans certaines conditions. De plus, à ce stade, l’alignement complet avec les valeurs de l’OMS n’est pas imposé.

La révision de la directive Qualité de l’Air Ambiant reste cependant ambitieuse et imposera une action effective et franche sur les émissions des 4 grands secteurs polluants : les transports, l’agriculture, l’industrie et le résidentiel.

Quelles mesures devraient alors prendre l’État français pour ces secteurs ?

En savoir plus : Pollution de l’air : Les mesures à prendre

Quelles ont été les étapes clés ?

La révision de la Directive Air a fait l’objet de deux ans de négociations soutenues au sein des institutions de l’Union européenne. Tout au long de la procédure France Nature Environnement s’est investie pleinement pour faire de la santé des humains et de la planète une priorité pour les institutions européennes et l’État français.

26 Octobre 2022 : Publication de la proposition de la Commission européenne de révision de la directive Air
😑 La Commission ne tient pas totalement ses promesses d’aligner les valeurs européennes sur les lignes directrices de l’OMS. Pour les polluants principaux (particules fines et dioxyde d’azote), elle propose des valeurs limites de pollution qui restent deux fois au-dessus des valeurs de l’OMS à partir de 2030 et un alignement avec ces valeurs en 2050 seulement.
26-27 Juin 2023 : Vote en Commission environnement du Parlement européen
✅ Adoption d’un texte ambitieux proposé par le rapporteur Javi Lopez, qui s’aligne sur les recommandations de l’OMS dès 2030. Le texte prévoit de nombreuses autres avancées, en particulier pour une meilleure surveillance de la qualité de l’air.
13 Septembre 2023 : Vote en séance plénière du Parlement européen
✅ Adoption d’un texte proche de la proposition de la Commission environnement, mais inscrivant un alignement total sur les normes de l’OMS en 2035 et non en 2030.
18 Décembre 2023 : Adoption attendue de la position du Conseil de l’UE, appelée orientation générale
La France, trop discrète, ne joue pas le rôle de leader politique en faveur de la santé en Europe.
Décembre 2023 - début 2024  : Période de négociations entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE (trilogues) pour aboutir à un compromis politique sur la version finale de la directive.
✅ 24 Avril 2024: Vote en séance plénière du Parlement Européen
✅ 14 Octobre 2024 : Le Conseil de l’Union Européenne valide le texte définitivement
🥳 15 Octobre 2024 : Le texte est publié au journal officiel de l’Union Européenne

La France a désormais deux ans pour transposer la directive dans le droit national. Elle devra par la suite mettre en œuvre des mesures fortes pour maintenir les concentrations de polluants dans l’air en deçà des valeurs limites. Les citoyen·nes et les associations joueront un rôle essentiel dans la bonne application de cette directive en France. À France Nature Environnement nous ne relâcherons pas nos efforts pour que ce texte ait un véritable impact sur la qualité de l’air que nous respirons.

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