Biodiversité

Qu’est-ce qu’un sol ? La surface sous nos pieds ? Tout d’abord, le sol est un volume, qui peut mesurer quelques centimètres à plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur. La terre, constituée d’un mélange de matières organiques et de minéraux, est organisée en couches, appelées horizons. Le sol est également habité : on estime qu’un quart de la biodiversité terrestre se trouve dans le sol.

« Le sol est notre héritage, en tant qu’espèce vivante sur la partie terrestre de la planète. Lors de l’apparition de la vie sur terre, il y a 500 millions d’années, les roches émergées des océans ont été transformées par le vivant (bactéries, champignons, puis autres formes de vie). »

Jacques Thomas, président de l’Association française pour l’étude du sol (AFES - Extrait de l’avis du CESE)

Un sol est composé de quatre « phases » :

• solide : roches, fragments de roches et argiles, et matières organiques le plus souvent mortes, en décomposition ;
• liquide : eau dans laquelle sont dissouts des éléments minéraux, base de l’alimentation minérale des plantes, et d’autres substances ;
• gazeuse : les éléments de l’atmosphère : azote, oxygène, dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz issus de la décomposition des matières organiques qui se trouvent dans le sol ;
• vivante : des bactéries jusqu’aux mammifères, la taupe faisant partie de l’écosystème sol par exemple. Il est aussi parcouru par les racines des végétaux, par des champignons, qui interagissent tous entre eux.

«On estime que 80 % des espèces vivant dans le sol sont des invertébrés. Cependant la vie dans le sol reste très méconnue : le CNRS estime avoir identifié seulement 4 % des acariens et 1 % des bactéries et champignons…

Des bactéries aux taupes, on passe par toutes les tailles : la microflore et microfaune (champignons, bactéries, nématodes…), la mésofaune (organismes allant du dixième de mm au mm), on ajoute également des insectes, des araignées ou des collemboles. On trouve également la macrofaune avec les vers de terres, les termines, les fourmis… pour finir par la mégafaune : les taupes, les campagnols, des vertébrés qui creusent des galeries dans le sol.

Ingénieur des sols, artisans agricoles, génie de la médecine ou encore croque-mort de la biodiversité, qui sont ces invisibles mais fabuleuses espèces ?»

Extrait de l’avis du CESE

Pour découvrir dix de ces travailleurs de l’ombre, groupes d’espèces aux mœurs ou capacités particulières, voir l’article :  Biodiversité des sols : tout un monde sous nos pieds

L’humus, c’est de la matière organique stabilisée, issue de la décomposition des végétaux. Il participe à la structure des sols, et avec l’argile, il compose ce qu’on appelle le complexe argilo-humique. Ce sont les interactions chimiques entre ces matières qui permettent aux plantes de se nourrir. De plus, la matière organique étant composée d’éléments carbonés (l’humus est composé de 60% de carbone), elle permet au sol de stocker du carbone.

Les sols riches en humus sont riches en éléments nutritifs, et donc plus fertiles. Ils retiennent mieux l’eau, s’érodent moins et résistent mieux aux tassements. Les processus chimiques et physiques s’accompagnent de processus biologiques. En effet, l’action de la biodiversité présente dans les sols est essentielle dans ce système.

Voir notre article : Sols agricoles : terreau des productions alimentaires et solution pour le climat

“Cette biodiversité intervient dans un certain nombre de processus au niveau du sol, dont trois très importants :

• la décomposition de la matière organique, qui participe au recyclage des éléments ;
• l’agrégation qui permet de former des éléments de base de la structure du sol (agrégats). C’est cela qui va finalement déterminer l’habitat, l’environnement de cette biodiversité ;
• le transfert : lorsque le ver de terre remonte de la matière minérale ou redescend de la matière organique dans le sol.

Ces différents processus sont en interaction. Ils assurent un certain nombre de fonctions vitales comme la production de biomasse, le stockage de carbone, la régulation des flux d’eau et des éléments minéraux, d’où l’importance extrême de cette biodiversité.”

Extrait de l’avis du CESE

La variété des types de sol participe à la diversité des paysages et contribue fortement à la richesse culinaire des terroirs :  la figue de Solliès, le camembert de Normandie ou l’Olive de Nyons puisent notamment leur goût dans le caractère de leur sol et de ses habitants. Ces spécificités locales peuvent d’ailleurs être prises en compte pour l’obtention d’une appellation d’origine contrôlée (AOP). Ainsi, pour obtenir l’AOP du Comté, le cahier des charges exige que l’herbe pâturée réponde à certains critères. Les végétaux, inséparables de la nature du sol, sont alors reconnus pour apporter leur contribution à la saveur du fromage.

• Voir notre article : c’est Noel le sol passe à table

Lorsque l’eau de pluie s’infiltre dans le sol, elle est filtrée durant son voyage par les différentes couches de terre, de sable et de roche.

Le sol limite ainsi le transfert des polluants entre les eaux de surface (les rivières et les plans d’eau) et les eaux souterraines (les nappes phréatiques). Les micro-organismes et les couches géologiques successives dégradent les polluants chimiques et biologiques jusqu’à purifier l’eau. Il en résulte de l’eau souterraine propre, qui peut être employée comme de l’eau potable. En bonus, l’eau a puisé dans ce parcours dans le sol des minéraux bons pour notre organisme !

Sécheresses, inondations… Avec le dérèglement climatique, nous sommes de plus en plus souvent exposés à ces évènements extrêmes, qui vont davantage s’intensifier.

Un sol sain prépare les territoires à être plus résilients, en jouant le rôle d’éponge :

En période de pluie, le sol absorbe l’eau, ce qui ralentit son déversement et atténue la violence des inondations. L’eau s’infiltre dans le sol et rejoint les eaux souterraines, au lieu de ruisseler et d’aller grossir les cours d’eau.

Le sol est constitué d’éléments minéraux et organiques, mais aussi d’air et d’eau, contenus dans les pores. Les caractéristiques de cette composition déterminent la capacité d’un sol à stocker l’eau. L’espace poreux peut représenter 30 à 60 % du volume total d’un sol. (GisSol)

Le volume des sols étant largement supérieur au volume des eaux de surfaces (rivières, lacs, marais), le stock en eau douce du sol est estimé être huit fois supérieur à celui des cours d’eau ! Ce stock d’eau devient bien utile en période de sécheresse : un sol sain permet à la végétation de se maintenir et restitue l’eau plus progressivement via l’évapotranspiration des végétaux, ce qui atténue les canicules et l’asséchement des milieux. Pour lutter contre la sécheresse, c’est aux sols qu’il faut s’intéresser !

• Voir : le dossier L’eau et le sol dans la Lettre Eau 87 (mars 2023)

En France, 800 000 ha (dont 80 % de terres agricoles) ont été artificialisés entre 1992 et 2004.

L’urbanisation touche particulièrement les terres en périphérie des villes. Or, les villes se sont historiquement implantées sur des espaces fertiles : ce sont des sols de grande qualité agronomique qui sont peu à peu recouverts d’asphalte.

Entre se loger ou se nourrir, il faut choisir ? Pas nécessairement. Des solutions existent : un aménagement mieux pensé, avec des centres villes repeuplés, des aménagements de friches urbaines ou encore la dépollution des friches industrielles.

• Voir le dossier : Artificialisation des terres : enjeux et solutions

Les friches industrielles situées près des villes sont des espaces à fort enjeux : pour éviter l’artificialisation, il est stratégique d’utiliser ces terrains. Pourtant la pollution de leurs sols pose problème. Que faire ? Dépolluer ? Recouvrir ? En fonction du type de pollution, les solutions peuvent être limitées. Et les pollutions de ces sols peuvent migrer, se retrouver dans l’eau ou dans la végétation.

Ces friches industrielles constituent malgré tout un lieu propice au développement de certaines activités économiques, pour limiter leurs impacts sur les espaces naturels. France Nature Environnement recommande par exemple aux exploitants d’implanter en priorité les nouveaux entrepôts logistiques – dont le développement a été nettement facilité par le plan France 2030 - sur des friches industrielles existantes.

• Voir le dossier : Vente en ligne, e-commerce : c’est quoi le problème avec les méga-entrepôts ?

Dans les années 1950, la France connait une modernisation de l’agriculture, ainsi que des politiques de remembrement, qui conduisent à des changements d’usage des sols : retournements de prairies, arrachages de haies, assèchement de mares pour créer des parcelles plus grandes, exploitées avec des engins de plus en plus gros et lourds.

Les régions se spécialisent dans certains types d’élevage ou de culture, ce qui entraîne une uniformisation des paysages et un appauvrissement des ressources de la terre, accéléré par les épandages de pesticides dans les régions céréalières, viticoles et arboricoles.

Tassée et labourée, la terre perd peu à peu ses capacités d’absorption. L’eau s’y infiltre plus difficilement, ce qui nuit au ravitaillement des nappes phréatiques. Au lieu de pénétrer, l’eau s’écoule et emporte avec elle la couche supérieure des sols, celle qui offre les nutriments aux plantes.

De nombreux services rendus naturellement sont remplacés par des engrais et des pesticides de synthèse. Et plus les sols sont dégradés par ces pratiques, plus les apports d’engrais et pesticides ont besoin d’être intenses pour suppléer les fonctions naturelles des sols. L’agriculture est ainsi de plus en plus dépendante des apports chimiques, alimentant un cercle vicieux qui n’est durable, ni d’un point de vue environnemental, ni socialement, ni économiquement. 

• Pour aller plus loin : Pesticides : un kit pour renouer le dialogue

Malgré des années de mauvais traitements, les sols sont capables de retrouver leurs fonctions et d’améliorer leur état. Pour cela, il faut apprendre à bien les gérer et leur apporter de la matière organique « à manger ». Pour vivifier les sols et maintenir leurs fonctions, trois conditions minimales sont nécessaires :

• porter des végétaux tout au long de l’année ;
• leur rendre une partie de la matière organique qu’ils contribuent à créer en laissant de la matière végétale se dégrader naturellement dans les champs ;
• réduire au maximum le travail agricole du sol (labour profond, etc.)

La plupart des pratiques agricoles actuelles n’appliquent pas ce trio gagnant pour la santé des sols. Voici quelques pratiques que nous aimerions voir développées et soutenues :

• les techniques alternatives au labour : du semis direct au labour agronomique ;
• le couvert des sols toute l’année avec un minimum d’interruption ;
• la préservation des prairies permanentes ;
• un retour de matière organique sur les sols ;  
• une orientation des aides pour soutenir les systèmes agroécologiques ;
• la préservation et la replantation de haies et d’arbres en milieu agricole.

Les pratiques agricoles associées au sol doivent être en cohérence avec les principes de l’agroécologie, en particulier la réduction des intrants chimiques (pesticides, fertilisant, herbicides…). Il est important de soutenir une recherche-expérimentation qui permette aux agriculteurs de sortir de la dépendance aux intrants, aux herbicides notamment. C’est en associant ces pratiques innovantes sur le travail du sol avec d’autres pratiques agroécologiques que les objectifs peuvent être doublement atteints.

Pour aller plus loin : Qu’est-ce que l’agroécologie ?