Réservoirs de biodiversité, sources d’oxygène et 2e puits de carbone après les océans, les forêts assurent d’innombrables rôles écologiques, auxquels s’ajoutent leurs fonctions économiques et culturelles. Préserver cette multifonctionnalité est un enjeu clé de la gestion des forêts publiques. Mais 75% des forêts françaises sont privées et, dans certaines régions, elles sont de plus en plus gérées comme des cultures d’arbres sur le modèle agricole intensif. Ce « modèle », qui rend les forêts particulièrement vulnérables aux aléas, traverse une crise profonde, aggravée par les changements globaux (climat, insectes et maladies, tempêtes, incendies). Dans quel état sont les forêts françaises aujourd’hui ? Pourquoi et comment les gérer durablement ? On fait le point.
Quel est l’état des forêts françaises ?
Avec les territoires d’outre-mer, la France possède tous les types de forêts : méditerranéennes, tropicales, de plaine, de montagne, et même boréales. Elles abritent une riche biodiversité : animaux, végétaux, bactéries, champignons, etc. L’ensemble des êtres vivants interagissent pour créer des écosystèmes complexes et fascinants.
Hexagone : 1/3 du territoire recouvert par les forêts
En France métropolitaine, il y a :
138 espèces d’arbres
6 143 espèces végétales
73 espèces de mammifères
120 espèces d’oiseaux
30 000 espèces de champignons
Les forêts recouvrent 17 millions d’hectares en France métropolitaine, soit près d’1/3 de la surface du territoire. Et bonne nouvelle, les forêts croissent ! Depuis 1985, le territoire français a gagné près de 3 millions d’hectares supplémentaires de forêts.
20% des surfaces forestières françaises sont des zones Natura 2000, réseau européen qui vise une meilleure prise en compte des enjeux de biodiversité dans les activités humaines. ¼ des forêts sont publiques, les ¾ gérées par des acteurs privés.
Outre-mer : l’incroyable richesse de la forêt guyanaise
La grande majorité de la biodiversité française se trouve en outre-mer. Ainsi, la Guyane est le département français le plus boisé avec 8 millions d’hectares de forêt, soit près de la moitié de la surface forestière de France métropolitaine.
La forêt guyanaise recouvre 97% du territoire, et reste l’une des forêts les plus riches et les moins écologiquement fragmentées du monde. Le nombre d’espèces végétales et animales s’y élève à 400 000, dont 1 300 espèces d’arbres.
Quels services rendent les forêts ?
En France, les forêts publiques sont gérées de façon « multifonctionnelle », c’est-à-dire d’une manière qui valorise les fonctions économique, environnementale et sociale des forêts, et participe à l’aménagement du territoire. Ainsi gérées, elles rendent de nombreux services.
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Réservoirs de biodiversité, les forêts jouent un rôle-clé dans la régulation du climat. Grâce à la photosynthèse, elles absorbent du dioxyde de carbone (CO2 ) et produisent du dioxygène (O2), ce qui en fait l’un des poumons de notre planète.
Par la photosynthèse, les arbres fixent le carbone grâce à l’énergie du soleil. Ce carbone va être le carburant de la biodiversité tout au long des chaînes alimentaires (herbivores, carnivores) et de décomposition du bois et des végétaux (champignons, bactéries, insectes, faune du sol) : il sera finalement réoxydé en gaz carbonique. C’est ce qu’on appelle le cycle du carbone, qui se double du cycle de l’eau, de l’azote et de divers éléments minéraux.
Les forêts stockent plus de la moitié du carbone des terres émergées. En plus des arbres, le carbone est aussi stocké dans les autres plantes, dans l’humus (couche superficielle du sol), dans le reste du sol, dans les arbres morts et dans les produits à base de bois présents dans nos maisons (charpente, meubles, panneaux, etc.).
En France, sauf en cas d’incendie, les forêts absorbent 15% des émissions de gaz à effet de serre. A l’échelle mondiale, les forêts couvrent environ 1/3 de la planète et absorbent 7,5 milliards de tonnes de CO2 chaque année.
Les forêts sont de précieux remparts contre de nombreux risques naturels : elles limitent les crues, arrêtent les chutes de blocs, limitent les départs d’avalanches en montagne, atténuent l’érosion du littoral en fixant le sable des dunes…
Lorsqu’elles sont en bonne santé et exploitées raisonnablement, elles limitent l’érosion de la surface du sol : cela permet de préserver la qualité et la richesse des sols, ainsi que de la biodiversité qu’ils abritent.
Forêts et eau font généralement bon ménage : les ripisylves, c’est-à-dire les forêts présentes sur le bord des cours d’eau, atténuent les inondations, améliorent la qualité de l’eau et diminuent le réchauffement de l’eau.
Les forêts abritent une biodiversité riche : animaux, végétaux, bactéries, champignons, etc. L’ensemble des êtres vivants interagissent pour créer des écosystèmes complexes et fascinants.
La forêt est un lieu de découverte pour tous les âges : observation des paysages, de la faune et de la flore, analyse de traces, mycologie (étude des champignons)… De nombreuses associations organisent des sorties nature variées pour partager cette richesse.
Venue du Japon, la sylvothérapie commence également à arriver en France : il s’agit de s’immerger dans la forêt pour profiter de ses effets bénéfiques (réduction du stress, renforcement du système immunitaire…).
Le bois est au cœur de l’économie verte et est essentiel à la transition écologique. Transformé, il fournit une multitude de produits à la société (charpente, menuiserie, énergie, etc.). La récolte et la transformation du bois sont aussi une source importante d’emplois locaux.
Parmi les principaux usages du bois, on distingue :
Le bois d’œuvre : le bois d’œuvre est le bois destiné au sciage, déroulage, tranchage et autres usages «nobles» de la filière bois ; après transformation, ces bois servent notamment en menuiserie, ameublement, charpente ou construction. Le bois d’œuvre est tiré du fût des arbres, c’est-à-dire de la partie la plus grosse et la mieux conformée.
Le bois d’industrie : le bois industrie est dirigé vers la trituration pour produire de la pâte à papier ou des panneaux qui servent en menuiserie, ameublement, charpente et construction.
Le bois énergie : le bois énergie est utilisé pour le chauffage, sous forme de buches ou après broyage pour produire des plaquettes et granulés.
Quelles menaces pèsent sur les forêts françaises ?
Près de 62 000 hectares de forêts sont partis en fumée à cause des feux de forêts en 2022. Cela représente 6 fois plus de surface que la moyenne des précédentes années ! Et les prévisions ne sont guère encourageantes : d’ici 2050, la moitié des forêts de France métropolitaine pourraient subir des incendies sévères. Mais d’autres menaces pèsent sur les forêts françaises.
La sylviculture a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, afin de se conformer à une demande toujours croissante de bois adaptés à certains usages.
Cela a entrainé de nouvelles manières de gérer les exploitations forestières, souvent désastreuses pour la biodiversité :
Coupes rases suivie de plantations essentiellement résineuses d’une seule espèce d’arbre ;
Coupes de taillis (se régénérant par rejets) pour le bois énergie ;
Mécanisation lourde tassant les sols et amenant à récolter des arbres de plus en plus jeunes, alors qu’une riche biodiversité est dépendante des arbres âgés.
Supprimer la diversité des espèces, privilégier les monocultures : cela conduit à fragiliser les forêts, notamment en augmentant leur vulnérabilité face à certains parasites. Par exemple le scolyte, une famille de coléoptères de 5 mm dont les femelles creusent des galeries : en 2021, l’ONF estimait à 30 000 hectares la surface de bois scolytés, soit 50% de plus qu’en 2020 ! L’épidémie de scolytes touche actuellement la quasi-totalité des forêts d’épicéas de la moitié nord de la France.
On parle de déforestation importée pour désigner l’importation de matières premières ou de produits transformés dont la production a contribué à la déforestation en dehors du territoire national (le soja en Amazonie, l’huile de palme en Asie du Sud-Est, le cacao en Afrique de l’Ouest…). Selon une étude de la Commission européenne, 10 % de la déforestation importée dans le monde est causée par l’Union européenne.
En septembre 2022, l’Union européenne a voté une loi étendant les mesures contre la déforestation importée. Cependant ces lois ne sont que trop peu appliquées : le nombre de contrôles effectués par l’Etat français est dérisoire et le nombre de poursuites négligeables.
Les changements climatiques impactent durablement tous les milieux, pas uniquement les forêts :
Augmentation des températures (+1,5°C en France métropolitaine depuis 1900)
Diminution de la pluviométrie et élévation du niveau de la mer
Augmentation de la fréquence des vagues de sécheresse
Augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes
Diminution de l’enneigement en montagne de 40 cm en 30 ans
Stagnation des rendements agricoles
Deux conséquences impactent particulièrement les forêts :
L’extension des feux de forêt, qui concerne tout le territoire et aussi bien les forêts de feuillus que les forêts de conifères.
Le développement d’insectes et champignons ravageurs (scolytes, nématode du pin, chenilles processionnaires, etc.).
A quoi pourraient ressembler les forêts françaises en 2050 ?
Les changements climatiques auront de nombreuses conséquences sur les forêts. Quelques exemples :
Le chêne vert, très présent en zone méditerranéenne, s’étendrait en 2050 en Aquitaine et dans l’Ouest où les climats seraient plus doux
Le sapin et l’épicéa se replieraient à de plus hautes altitudes que celles qu’ils occupent aujourd’hui
Le hêtre se retirerait de 2/3 de la surface forestière qu’il occupe actuellement pour se replier dans les massifs et le Nord-Est de la France
En Polynésie Française, recul voire disparition des forêts subalpines aux profit de forêts sèches ou semi-sèches
A Mayotte, risque de disparition des forêts humides
Aux Antilles, disparition des forêts de montagne au profit de forêts sèches
En Amazonie, le stress hydrique pourrait favoriser l’apparition de forêts semi-arides comme des savanes.
Comment protéger les forêts françaises ?
Les forêts peuvent jouer un rôle précieux dans l’atténuation des effets des changements climatiques, à condition d’être en bonne santé.
Des solutions existent pour faciliter leur adaptation aux nouvelles conditions climatiques. Par exemple :
diversifier le choix des essences (mélanges feuillus/résineux) lors des plantations, en anticipant les climats futurs ;
permettre la migration naturelle assistée, en plantant par exemple des espèces originaires du Sud (Espagne, Italie) dans des forêts plus au Nord (Vosges). En effet, la migration naturelle des espèces vers le nord est trop lente par rapport à la vitesse du changement climatique (environ 100 fois trop lente).
Diverses bonnes pratiques permettent aux forestiers d’assurer une gestion durable des forêts. La préservation de la biodiversité est au cœur de ses pratiques :
Permettre larégénération naturelle des forêts, en laissant la place aux jeunes arbres de pousser après la récolte des arbres les plus anciens ;
Conserver des arbres particuliers, vivants ou morts, dits “arbres habitats” ;
Préserver et restaurer des zones humides, mares et rivières ;
Protéger les oiseaux forestiers qui nidifient ou se reproduisent en forêts (Grand tétras, cigogne noire, Engoulevent d’Europe) ;
Créer des réserves biologiques laissées en libre évolution, sans exploitation forestière ;
Bannir les produits phytosanitaires en forêts ;
Etudier la forêt et les milieux naturels associés pour mieux adapter les pratiques aux défis que rencontrent les forêts ;
Développer des forêts-mosaïques, c’est-à-dire des forêts avec une diversité de zones : des zones pour la production, des zones de gestion adaptées aux zones humides, des zones contenant des arbres très anciens ou morts, etc.
Le bois énergie est la première énergie renouvelable en France. Mais l’intensification de la sylviculture constitue une menace pour les forêts françaises : la demande de bois énergie commercialisé a triplé depuis 2010 et 46% de la récolte de bois en France est aujourd’hui destiné au bois énergie (commercialisé ou auto-consommé). Comment faire face à cette demande croissante tout en préservant les écosystèmes forestiers ?
Le bois énergie est à la production de bois ce que les épluchures sont aux patates : si on peut les valoriser c’est bien, mais on ne produit pas des patates pour leurs épluchures ! Les usages du bois doivent être hiérarchisés : dans la mesure du possible, il doit d’abord être utilisé comme bois d’œuvre. Pour le bois énergie, ce sont les déchets de l’industrie du bois et le bois en fin de vie qui doivent être privilégiés.
En outre, la forêt ne pourra pas seule résoudre les enjeux énergétiques de la France ni stocker l’ensemble de nos émissions de carbone : développer une société sobre en énergie est indispensable.
« Bois énergie » : peu connu sous cette appellation, il est pourtant la 1re énergie renouvelable en France. Engagée depuis longtemps sur le sujet, France Nature Environnement publie un livret pédagogique et visuel pour en résumer les enjeux et faire valoir les axes principaux de son plaidoyer.
D’où vient le bois énergie ? Quelle place occupe-t-il par rapport aux autres usages du bois ? Comment limiter ses impacts sur l’environnement ? Comment contribue-t-il à la transition énergétique ? Quel est le rôle des forêts dans l’atténuation des changements climatiques ? C’est à toutes ces questions que nous souhaitons répondre pour vous permettre de comprendre en un clin d’œil les principaux enjeux du bois énergie.
Si le bois énergie est une matière première renouvelable, celle-ci n’est pas inépuisable et ce d’autant plus à l’heure du réchauffement climatique. Pour France Nature Environnement, 5 leviers sont à mettre en œuvre pour une utilisation durable du bois :
Diminuer nos besoins, pour réduireles pressions sur les écosystèmes ;
Renforcer le principe de hiérarchie des usages : c’est l’usage de bois d’œuvre qui doit être privilégié ;
Assurer une gestion durable des forêts en limitant la récolte de bois énergie aux actions nécessaires à la récolte de bois d’œuvre ;
Développer des projets locaux en adaptant les chaufferies aux besoins et aux possibilités d’approvisionnement des territoires ;
Améliorer le suivi du bois énergie, notamment en rendant accessibles les plans d’approvisionnement des chaufferies.
Qu’est-ce qu’une plantation forestière réussie ? Objectifs, méthodes, enjeux… France Nature Environnement et la Société Alpine de Protection de la Nature – FNE Hautes-Alpes (SAPN-FNE05) publient un guide pratique à destination de tout acteur amené à gérer ou à mettre en œuvre une plantation, afin de favoriser une forêt multifonctionnelle et adaptée aux changements climatiques.
Ce guide a vocation à fournir des clés pour la réussite d’une plantation forestière en France métropolitaine au regard des enjeux sociaux, économiques et environnementaux actuels et futurs, et dans un contexte de changement climatique. Il s’adresse à un public averti (propriétaires forestiers, gestionnaires, élus, acteurs du mécénat environnemental, associations, citoyens…) qui sera amené à gérer ou à mettre en oeuvre des plantations forestières.
Il aborde donc à la fois les objectifs d’une plantation, les méthodes à privilégier et les enjeux de l’adaptation au changement climatique, tout en veillant à intégrer la biodiversité (état de conservation des espèces et de leurs habitats) et les fonctions exercées par la forêt (accueil du public, atténuation des risques naturels, cicatrisation des excès humains, purification des eaux…).
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